"Le flue-curing est une technique de séchage des feuilles de tabac qui se répand largement aux Etats-Unis à la fin du XIXe siècle, et qui permet de rendre la fumée moins irritante, donc plus profondément inhalable. Or jusque dans la première moitié du XXe siècle, on fume encore, dans une bonne part de l'Europe continentale, du tabac brun, très âcre, beaucoup moins dangereux et addictif. Car plus la fumée peut pénétrer profondément dans les poumons, plus l'afflux de nicotine dans l'organisme est rapide, plus l'addiction qui se développe est forte. Et plus les dégâts occasionnés sur les tissus pulmonaires sont importants. (...)

Le succès de la cigarette repose toujours, aujourd'hui, sur le talent des chimistes de "Big Tobacco" pour rendre la fumée plus douce, plus volatile, plus pénétrante. Les fumeurs, qui connaissent cette sensation de piquante fraîcheur aux poumons, tiennent pour naturel et normal de fumer ainsi. "Avaler" la fumée, dit-on. C'est au contraire le résultat d'une chimie pointue et compliquée. Plusieurs centaines de composés - accélérateurs de combustion, ammoniac, adjuvants divers, sucres, etc. - sont ajoutés au tabac. Ils rendent la fumée moins irritante, plus inhalable. "On peut dire que la cigarette est véritablement un produit défectueux en ce sens qu'il est beaucoup plus nocif qu'il ne devrait "normalement" l'être... Il est modifié pour rendre les fumeurs le plus accro possible et cela le rend plus dangereux", explique Robert Proctor..."

Article "Les conspirateurs du tabac"

"la dépendance à la nicotine est aussi forte que celle à l'héroïne ou à la cocaïne. Cette drogue puissante "détourne" le cerveau, obligeant les individus à lutter contre leur propre corps. La plupart des non-fumeurs ignorent que la majorité des fumeurs détestent le fait de fumer et voudraient arrêter; il ne s'agit pas d'une drogue euphorisante. L'industrie a réussi à nous faire croire que fumer était une forme de liberté, alors qu'il s'agit en réalité d'une forme d'esclavage. Les fabricants ont d'ailleurs incorporé aux cigarettes un véritable arsenal de produits chimiques - la liste contenue dans les documents confidentiels de l'industrie comprend plus de 600 différents composés, de l'ammoniac (pour accélérer la libération de nicotine non-liée), au castoréum (sécrétion des glandes anales du castor de Sibérie), en passant par l'acide lévulinique (pour favoriser la fixation de la molécule de nicotine sur les récepteurs cérébraux) et des centaines d'autres substances aux effets tout aussi diaboliques. De même, les filtres sont un leurre. Ce ne sont même pas des "filtres" à proprement parler, et ils n'atténuent en rien la nocivité de la cigarette. Au contraire, il a été démontré que la fumée est inhalée plus profondément dans les poumons, où elle cause davantage de dégâts. En outre, cette fumée est encore plus cancérogène. (...)

D'un point de vue politique, il serait intéressant que les fabricants de cigarettes électroniques s'unissent pour obtenir l'interdiction (à la vente) des cigarettes "classiques". Cela reste possible, même si la marge de manoeuvre se réduit avec la percée des grands cigarettiers sur ce marché." Article CNRS "L'invention la plus dangereuse de l'histoire"